Bonjour à tous,
Pour ce deuxième article de la série « une semaine, une mouche », je vous propose de rester encore un peu dans le monde des mouches sèches.
La semaine dernière, nous parlions d’une émergente imitant les insectes de l’ordre des éphéméroptères : le voilier CDC. Cette fois-ci, j’aimerai vous présenter la mouche star des coups du soir de fin de printemps : le sedge roux en flanc de canard !
Je rappelle à ceux qui ne rejoignent en chemin que l’idée n’est pas d’entrer dans les détails ultra techniques et scientifiques sur les mouches et les espèces qu’elles imitent (les stages de pêche à la mouche sont bien plus adaptés pour ça), mais de dégrossir les généralités sur certains types de modèles.
Une imitation de trichoptères
Le terme « sedge », est en fait un mot générique anglais désignant l’imitation d’un insecte de l’ordre des trichoptères. Vous pourrez aussi les rencontrer sous l’appellation de caddisflies. Il faut bien différencier ce terme du nom de l’insecte. Sedge n’est que le nom de l’imitation.
Les trichoptères sont des insectes aquatiques, tout comme les éphéméroptères donc nous parlions la semaine dernière. On en trouverait en Europe environ 18 familles d’espèces. Les plus connues des pêcheurs à la mouche sont les Brachycentridae, les Rhyacophilidae, Hydropsychidae, Limnephilidae et surtout la famille des Phryganeidae (les fameux Phryganes).
Le nom de cet ordre d’insectes « Trichoptera », signifie « les ailes en forme de toit ». En effet, lorsqu’on les observe, on se rend compte que les ailes des trichoptères sont disposées en triangle au dessus de l’abdomen et forment comme un toit. Ce sont en quelque sorte nos papillons aquatiques (l’ordre des trichoptères se rapproche d’ailleurs de très près de celui des Lépidoptères -les papillons-)
Je n’ai pas retrouvé de photo de Trichoptères dans mes archives personnelles, mais je vous invite à fouiller sur le net pour voir à quoi ils ressemblent.
D’autre insectes similaires
Les trichoptères ne sont pas les seuls insectes (même si ce sont les principales) qui peuvent être imités par les sedges. D’autres ordres et familles d’espèces disposent de morphologie relativement proches. C’est notamment le cas des Sialidae (Sialis, de l’ordre des Mégaptères) qui leur ressemblent beaucoup (qu’on distingue facilement aux capillarités de leur ailes), mais aussi dans une moindre mesure de certains insectes de l’ordre des Plécoptères.

La star des coups du soir
Les éclosions (émergences pour utiliser le terme exacte) de trichoptères ont généralement lieu à partir du mois d’avril mais s’intensifient dès le mois de mai. Elles sont plus rares lors des grandes chaleur d’été mais réapparaissent parfois en septembre. En automne et hiver, elles sont quasiment inexistantes. Les trichoptères, comme les éphémères, vivent la première partie de leur vie sous l’eau.
Ces larves construisent et vivent pour la plupart dans des fourreaux de branchages ou micro-granulats. Elles sont souvent appelées porte-bois ou porte-pierres et ainsi facilement reconnaissables !
Il se produit au terme de cette vie larvaire une étape qui n’existe pas chez les éphéméroptères par exemple. La larve se transforme en pupe, un peu comme la chenille lorsqu’elle forme sa chrysalide pour devenir papillon. Ce stade peut durer plusieurs jours durant lesquels l’insecte prépare sa transformation en adulte. Au terme, il se déplace vers la surface pour émerger et terminer la métamorphose.
Les émergences se produisent le plus souvent juste avant la nuit ou tôt le matin. Il arrive aussi qu’elle apparaissent lors de journées printanières très maussades.
Le sedge en flanc de canard que je vous décrit ici même imite deux stades de la vie de l’insecte. Tout d’abord, du fait de sa flottaison basse, il est idéal pour imiter l’émergence du trichoptère, juste avant que les ailes ne sèchent et que l’insecte puisse s’envoler de la surface de l’eau. D’autre part, il imite aussi l’insecte mort noyé dérivant au fil du courant.
Une grande partie des trichoptères adultes sont de couleur sombre et brunâtre. Le coloris « brun-roux » naturel des plumes de flanc de canard est donc parfait pour en imiter une majorité. Toutefois, pour imiter des trichoptères aux tons plus clairs, les plumes de poitrail de canne sont bien meilleures !
Indication de montage du sedge
- Hameçon droit hampe classique (sans ardillon) H14
- Fil de montage brun 8/0
- Corps en dubbing de lapin naturel
- Ailes : 2 plumes de flanc de canard colvert
- Thorax : dubbing de lièvre naturel
- Tête réalisée avec le fil de montage.
En action de pêche
J’ai de très bons souvenirs de pêche avec cette imitation. Je la monte généralement sur hameçon de 14 et 12.
Une anecdote que je pourrai vous raconter s’est déroulée sur le Doubs franco-suisse il y a quelques années de ça, au mois de juin. Je m’étais posté sur une zone assez rapide et sur laquelle le courant venait lécher la rive d’en face, très abrupte et rocailleuse. Juste en aval, j’avais repéré une énorme fosse avec un courant bien plus calme. Autant dire que c’était un magnifique poste à gros poissons et que j’espérais fortement qu’une belle truite viendrait gober juste là au coup du soir. L’heure avançait et vers 20H30, une première éclosion d’éphémères avait déclenché les gobages de quelques truites et ombres dans mon courant. Ne voyant pas de poisson très gros, j’avais préféré attendre quelques minutes avant de pêcher… Mais vers 21H00 et avec la luminosité qui baissait aussi dans cette gorge, les gobages ont rapidement commencé à faiblir… Puis à disparaître. Du coup, n’ayant même pas encore lancé ma mouche, je me posais la question de savoir si je n’avais pas tout simplement raté le coche et perdu ma soirée de pêche. Assis sur un cailloux, dans la pénombre maintenant, j’ai commencé à voir grimper quelques trichoptères le long de mes waders. En voilà aussi qui dérivent à la surface, mais toujours pas de gobages.
Après une dizaine de minutes, je ne voyais déjà plus grand chose mais le long de la berge en face de moi, j’ai entendu un énorme plouf… le gobage que j’attendais !
Après deux passages en dérive inerte, le poisson refusait de monter. Toutefois, il goba un autre insecte juste après mes lancers !
Alors qu’il ne me restait plus que quelques petites minutes de pêche avant l’heure légale de fin, je suis remonté de 5/6 mètres vers l’amont. J’ai lancé mon sedge 2m devant l’emplacement du poisson et plutôt que de le laisser dériver, j’ai tendu ma ligne pour faire surfer ma mouche sur la surface (ce qu’on appelle le dragage). Alors qu’elle traçait à la surface, la truite l’a prise rageusement ! Sans ferrer trop fort à cause de la tension déja existante dans la ligne, j’ai pris contact avec ce poisson très lourd. Dans le courant, le combat était vraiment puissant et malgré le 22/00 que j’utilise régulièrement au coup du soir sur ce secteur, je n’osais pas tirer trop fort sur la ligne. Les coups de tête étaient terribles et le poisson a réussi à me conduire dans un amas de rochers d’où il a pu casser le nylon… Je n’aurai jamais vu ce poisson mais il me laisse un souvenir magique… bien que plein de frustration !
A la semaine prochaine pour découvrir une autre mouche… à vos montages ! 🙂
A bientôt,
Mathieu ROMAIN